La victoire de Sergio Perez au Grand Prix de Sakhir prouve qu’en Formule 1, tout est possible. Dans ce sport, tout va très vite et la différence est infime entre un Grand Prix réussi et une course ratée. Dimanche, l’arrêt au stand de Perez en début de course (suite à son accrochage avec Charles Leclerc dans le premier tour), a permis au mexicain d’adopter une meilleure stratégie de course. Au contraire, la victoire qui semblait promise à George Russell s’est évaporée nette à la suite d’une erreur de communication chez Mercedes.
En cette année particulière, la F1 a eu la chance de pouvoir organiser un championnat monde, et ce, grâce à l’excellent travail de la direction, de toutes les équipes et des propriétaires de circuit. Les différentes parties-prenantes ont toutes travaillé main dans la main pour éviter les pires effets du Covid et permettre à la Formule 1 de vivre, alors que plein d’événements sportifs ont été annulés.
Bien entendu, des changements ont dû être apportés, impliquant des courses sur de nouveaux circuits. Dans le cas de Bahrein, j’ai trouvé le second Grand Prix fascinant. Il faut dire que l’alternative sur le circuit externe, à la fois court et rapide, a complètement modifié le tracé du week-end précédent. Avec un temps au tour bien inférieur à la minute, il y a eu davantage de pression sur les équipes, qui ont dû prendre des décisions rapides pendant la course.
Plusieurs pilotes ont été affectés par le coronavirus cette saison, notamment Perez et Stroll, les deux pilotes de l’écurie Racing Point. Mais lorsque nous avons appris que Lewis Hamilton l’avait également contracté, ce fut un choc pour tout le monde. Personne ne pouvait imaginer que le nouveau champion du monde de la discipline manquerait à l’appel à l’occasion de l’avant-dernier Grand Prix de la saison. Ceci témoigne de la puissance de ce virus et nous montre une fois de plus que tout le monde est vulnérable, quel que soit son statut. Je profite d’ailleurs de l’instant pour souhaiter à Lewis un prompt rétablissement.
Il est vrai que l’absence d’Hamilton dans les paddocks laissait entrevoir un week-end différent. Il faut dire que le septuple champion du monde n’avait manqué aucune course depuis 2006. Je savais que George Russell, son remplaçant chez Mercedes qui pourtant est un pilote titulaire chez Williams (partenariat entre les deux équipes oblige), tiendrait la baraque. Le britannique est talentueux et on lui offrait là l’opportunité fantastique de se montrer sur une monoplace nettement plus performante que sa Williams habituelle.
Russell possède le titre de champion en Formule 2 et tout comme Valtteri Bottas, il a remporté le championnat GP3 avant de signer chez Williams. Si cette écurie n’est pas performante cette année, elle reste une très bonne équipe, avec la mentalité et l’organisation des grandes. Les Williams utilisent d'ailleurs le bloc d’alimentation Mercedes-Benz et de mon point de vue, le passage d’une Williams à une Mercedes n’est pas si déstabilisant.
Evidemment, la voiture reste différente et surtout plus rapide. Mais George a fait un excellent travail pratique pour la maitriser. Je sais par ma propre expérience que lorsque les pilotes conduisent des voitures non-compétitives, comme ce fut le cas pour moi chez Lotus en 1991 et 1992, ils ont hâte de se relancer pour montrer ce qu’ils valent vraiment. Les gens me parlent encore souvent de ma première chez McLaren, au Grand Prix du Portugal en 1993, lorsque je me suis qualifié devant mon coéquipier Ayrton Senna. Ce n’était pas la pole, mais l’émotion était comme t-elle, étant tellement heureux de me retrouver au volant d’un voiture rapide.
Dimanche, avec Valterri en pole accompagné par George sur la première ligne, la course aurait pu ressembler aux autres, à savoir une ultra-domination des Mercedes. La seule vraie menace venait comme d’habitude de Max Verstappen, qui semblait très performant sur les longues lignes droites lors des essais. Mais cet accident causé par Charles Leclerc durant le premier tour, élimina à la fois la Red Bull et la Ferrari. Leclerc a réalisé de très belles choses lors des qualifications, obtenant la quatrième place sur la grille. Mais son erreur dans l’un des premiers virages est vraiment regrétable. Il faut parfois savoir être patient, surtout sur un circuit poussiéreux et sablonneux comme celui de Sakhir…
Le fait que Leclerc ait heurté la Racing Point de Perez s’est avéré être un élément important, bouleversant totalement la course. En entrant immédiatement aux stands pour consulter les dégâts et passer des pneus tendres aux pneus dits medium, le mexicain a soudainement adopté une bien meilleure stratégie de course. Passant de la dernière place à la fin du premier tour au Top 3 après la mi-course, Perez infligea à ses adversaires un rythme de course éffreiné, alors même qu’Alex Albon et Esteban Ocon ne facilitaient pas les dépassements. Bref, lorsque les ennuis ont commencé pour les deux pilotes Mercedes, Perez était admirablement bien placé pour prendre la tête et ne plus la lacher.
Car si nous nous dirigions vers un doublé de la part des Mercedes, l’accident de Jack Aitken nécessitant la voiture de sécurité a tout simplement rabattu les cartes. La décision de faire rentrer Bottas et Russell en même temps dans les stands était la bonne, pour profiter d’un arrêt gratuit malgré la belle avance des deux monoplaces. Problème, il est très difficile pour les mécaniciens de gérer la venue de deux voitures de façon quasi-simultannée. Il faut s’assurer de la disponibilité des bons pneumatiques, de la bonne température et de la bonne pression. De nombreuses erreurs peuvent arriver, comme en 2016, lorsque Daniel Ricciardo perdait le Grand Prix de Monaco pour un pneu non-préparé…
C’est le même type d’erreur qui a côuté le podium aux deux Mercedes, Russell récupérant deux pneus destinés à Bottas et Bottas lui-même, repartant avec les mêmes gommes usagées…
Des choix forts d'un côté et des erreurs de l'autre, pour nous rappeler qu'en Formule 1, tout reste possible !